LES ÉTIREMENTS

I/ Définition

On a tout entendu sur les étirements mais finalement personne ne sait vraiment comment s’y prendre. C’est un domaine complexe qui suscite un intérêt grandissant, soulignant une compréhension parfois limitée. En examinant en détail les méthodes, la durée, le nombre de répétitions, et la fréquence, cet article vise à démystifier ces pratiques, mettant en avant des études pour mieux orienter leur intégration dans la routine d’échauffement, tout en appelant à une clarification des conclusions souvent hâtives dans la littérature scientifique.

Le Larousse définit l’étirement comme « Exercice pratiqué pendant l’échauffement précédant une activité sportive ou pendant la relaxation qui suit celle-ci, et jouant sur la contraction et le relâchement des muscles étirés. »

La souplesse est définie dans le Larousse comme la facilité pour mouvoir son corps, lui imposer des positions, des mouvements divers.

Elle présente des attributs d’entraînabilité, de désentraînement, de programmation de la charge, etc. Elle représente la nature intrinsèque des tissus, influençant le niveau de mobilité atteignable avec un faible risque de blessure au niveau d’une ou plusieurs articulations (Holt et al., 1996).

Les étirements se réfèrent à des exercices physiques qui impliquent l’étirement des muscles et des tissus conjonctifs pour accroître la longueur musculaire et la flexibilité. Ils peuvent être effectués de manière statique (maintien d’une position d’étirement) ou dynamique (mouvements contrôlés pendant l’étirement).

La souplesse est une caractéristique physique qui se réfère à la capacité d’un muscle ou d’un groupe musculaire à se déplacer à travers une amplitude de mouvement maximale dans une articulation donnée. Elle est influencée par la longueur des muscles, des tendons et d’autres structures connexes. Une personne souple peut effectuer des mouvements articulaires avec une plus grande amplitude.

Ainsi, les étirements sont des exercices spécifiques visant à améliorer la souplesse en travaillant sur l’extension des tissus musculaires et conjonctifs.

2/ Les développer

a/Méthodes statique

La méthode statique consiste à adopter une posture tout en appliquant une tension sur un groupe musculaire. On positionne généralement une articulation à un angle supportable pour le sujet, en respectant le seuil de douleur. Deux approches sont couramment utilisées : à angle constant ou à moment constant (Reiss & Prévost, 2021).

Angle constant : Cette méthode consiste à tendre un groupe musculaire jusqu’à la limite de la douleur tolérable, atteignant ainsi un angle maximal. On relâche ensuite la tension en diminuant l’angle, puis on revient à la position initiale, ce qui caractérise l’étirement statique à angle constant. Imaginons une personne debout tentant de toucher ses orteils en s’inclinant vers l’avant. Elle maintient cette position jusqu’à ressentir une sensation de douleur supportable, notant un angle de 60 degrés par rapport à la position verticale (0°). Après avoir maintenu cette position pendant 10 secondes, elle se redresse légèrement à un angle de 50 degrés pendant 5 secondes. Enfin, elle revient à la position initiale de 60 degrés. Cette méthode a montré que la répétition de cet étirement entraîne une diminution de la résistance musculaire à l’allongement, facilitant la mise sous tension du muscle à un angle donné. Ce phénomène est expliqué par la relaxation viscoélastique du muscle (Cabido et al., 2014), (Herda et al., 2014)

Moment constant : Lorsque l’on maintient un étirement musculaire à moment constant, on s’attache à appliquer une force constante pour créer une contrainte uniforme, même lorsque l’angle de l’étirement change. Contrairement à l’étirement à angle constant, où l’on revient à l’angle initial, dans l’étirement à moment constant (Phase IV), on va légèrement au-delà pour atteindre un nouveau seuil de douleur tolérable.

  1. On commence par mettre sous tension les ischio-jambiers de la même manière que dans l’exercice précédent (I, II, III).

  2. Cependant, à la phase IV, au lieu de revenir à l’angle initial, on pousse légèrement plus loin pour atteindre un nouveau seuil de douleur tolérable.

  3. L’objectif est de maintenir une contrainte constante, représentant le moment de force, quel que soit l’angle spécifique de l’étirement.

Cette approche, par opposition à l’étirement à angle constant, vise à optimiser les bénéfices, notamment d’après des études récentes qui mettent en avant les avantages supérieurs de l’étirement à moment constant, surtout chez les personnes ayant une spasticité musculaire après un accident vasculaire cérébral (Palmer, 2019).

b/ Méthode dynamique

Cette approche implique l’exécution de mouvements amples et lents, sollicitant les muscles antagonistes pour générer les forces nécessaires à la tension du groupe musculaire ciblé. Elle se caractérise par des mouvements contrôlés et dénués d’à-coups, souvent intégrée à l’échauffement pour reproduire des contraintes spécifiques à l’activité physique. Son efficacité se manifeste pleinement lorsqu’elle est utilisée dans un processus progressif de préparation à l’effort physique.

Méthode balistique : Cette technique constitue une variante de la méthode dynamique, caractérisée par des mouvements réalisés à un angle plus restreint. Employée en danse ou lors d’un travail à la barre, elle prépare les muscles au cycle naturel d’allongement-contraction. Ses bienfaits se révèlent particulièrement notables lors d’exercices de pliométrie, modulant les réflexes pour améliorer la puissance musculaire. L’optimisation du transfert est recommandée en utilisant des exercices étroitement liés au geste compétitif.

Méthode par rebonds : Souvent associée à la gymnastique dite « naturelle », cette méthode, bien que sujette à controverses, a démontré des effets différents par rapport à la méthode statique. Contrairement à cette dernière, qui influe principalement sur la résistance passive du muscle, la méthode par rebonds cible davantage les structures élastiques du tendon, réduisant sa raideur après six semaines d’entraînement. Cette approche se concentre sur la fin de l’amplitude de mouvement avec de petits mouvements oscillatoires, similaire à la méthode balistique, mais en mettant l’accent sur des mouvements de faible amplitude, tels que ceux effectués par certains lanceurs de javelot avant leur lancer (Opplert & Babault, 2017).

3/Comment s’étirer

a/La durée

Pour un seul étirement dans la méthode statique, la durée recommandée est de 30 secondes, mais elle peut être ajustée en fonction de la familiarité avec la pratique, de la maîtrise de la technique et de la posture, ainsi que de la connaissance de l’anatomie fonctionnelle. Elle ne devrait pas être inférieure à 20 secondes ni dépasser 45 secondes. La méthode PNF permet une réduction de cette durée. Pour des objectifs spécifiques tels que l’augmentation de l’angle articulaire, notamment dans des disciplines comme la gymnastique ou la danse, des durées dépassant 60 secondes peuvent être envisagées. Il est également possible d’adopter différentes postures pour modifier les contraintes fonctionnelles sur le groupe musculaire, en respectant le seuil de douleur et en maintenant une intensité suffisamment élevée sur l’échelle de Borg (8/10) (Palmer et al., 2019), (Takeuchi & Nakamura, 2020).

Une étude a comparé les effets d’un même protocole sur chaque jambe d’un même individu et a montré que ce n’est pas la durée d’un étirement unique qui importe, mais plutôt la durée totale des étirements. Ainsi, des séquences de 6 x 10 secondes ou de 3 x 20 secondes ont des effets similaires en termes d’amélioration de l’amplitude. Ces résultats ont été confirmés par d’autres études. En pratique, en fonction de la tolérance à la douleur de la personne, on peut réaliser un premier étirement de calibrage selon ce seuil (par exemple, 15 secondes) et le répéter jusqu’à atteindre la durée totale souhaitée. Par exemple, pour une durée totale de 2 minutes, on effectuera 8 répétitions de 15 secondes, séparées de 5 secondes au maximum (Ayala & De Baranda, 2010).

b/Nombre de répétitions

Lors d’un étirement statique à angle constant d’une durée totale de 1 minute et 30 secondes, la majeure partie du relâchement de la résistance musculaire se produit entre 30 et 45 secondes après le début de chaque étirement individuel. Cependant, lors de la cinquième répétition d’un même angle d’étirement, le relâchement de la force musculaire commence plus tôt, à la 20e seconde de l’étirement. Cela suggère que la répétition d’un même étirement permet un relâchement précoce de la force musculaire, ce qui pourrait permettre de réduire la durée de chaque étirement tout en maintenant une efficacité similaire. En général, la plupart des études recommandent de réaliser entre 3 et 4 répétitions pour optimiser les effets de l’étirement statique à angle constant.

1.     Étirement statique à moment constant : Dans cette méthode, la personne effectue des répétitions d’étirements, mais à chaque répétition, elle est positionnée à un angle plus important en fonction du nouveau seuil de tolérance supportable qu’elle a atteint. Cela signifie que la personne augmente progressivement l’amplitude de l’étirement au fil des répétitions en fonction de sa capacité à supporter la tension.

2.     Effet sur l’unité musculaire-tendineuse (UMT) : L’effet d’allongement de l’UMT, qui englobe les muscles et les tendons, est très prononcé dans les premières secondes de chaque répétition, atteignant son maximum. Entre 15 et 20 secondes, cet effet diminue, et au-delà de ce laps de temps, il devient pratiquement nul, ce qui suggère que l’étirement atteint un plateau.

3.     Durée optimale : Pour un protocole spécifique de 4 répétitions de 30 secondes chacune, il est expliqué que l’effet est similaire pour chaque étirement de la série. Par conséquent, la durée de chaque répétition peut être maintenue constante à 30 secondes, ou elle peut être réduite à un minimum de 15 secondes tout en conservant 85% de l’effet d’allongement maximal (Reiss & Prévost, 2021).

c/La fréquence

S’étirer tous les jours semble apporter des avantages supplémentaires car c’est la durée d’étirement totale qui compte (Marques et al., 2009).

Après avoir obtenu les bénéfices souhaités en termes d’augmentation d’amplitude, il n’est pas nécessaire de maintenir la même charge de travail pour conserver les améliorations. Rancour et al. (2009) ont démontré que la pratique de 2 à 3 séances par semaine n’a pas entraîné de diminution de l’amplitude de mouvement par rapport à celle obtenue au cours des 4 premières semaines d’entraînement intensif.

Une étude de Cipriani et al. (2012) ont comparé 4 programmes de d’entrainements avec des fréquences differentes sur un durée de 4 semaines :

La charge de travail consistait en 2 étirements de 30 s répétés dans 4 protocoles différents pendant 4 semaines d’entrainement suivie de 4 semaines de désentraînement:

  • S14 : étirements tous les jours, 2 fois par jour (7 x 2)
  • S7 : étirements tous les jours une seule fois par jour (7 x 1
  • S6 : étirements 3 fois par semaine, 2 fois par jour (3 x 2)
  • S3 : étirements 3 fois par semaine, 1 fois par jour (3 x 1)

Les résultats de l’étude montrent que les quatre protocoles sont équivalents pour améliorer la souplesse de la hanche, montrant une augmentation quasi linéaire de l’amplitude articulaire. Cependant, le protocole S3 montre un plafonnement de sa progression dès la troisième semaine, contrairement aux autres protocoles. Ainsi, le S3 semble moins efficace à long terme. La dose optimale serait de s’entraîner 6 fois par semaine ou 3 fois par semaine, à condition de faire deux séances par jour.

Lors de la période de désentrainement si la souplesse n’est pas régulièrement entraînée, elle diminue. Le rythme de diminution semble indépendant de la dose hebdomadaire utilisée et du sexe de la personne. La diminution moyenne est d’environ 9% entre la 4e et la 8e semaine. Cependant, les groupes qui se sont entraînés conservent des gains d’environ 11% par rapport aux tests pré-entraînements.

4/Étirement et performance

Des conséquences négatives sur la performance musculaire se produisent lorsque des étirements statiques durent 60 secondes ou plus, et ce, peu importe la nature de la tâche, le mode de contraction musculaire ou le groupe musculaire concerné (Kay & Blazevich, 2012).

Cette relation complexe entre étirements et performance a généré des débats contradictoires, soulignant notre manque de compréhension (Woods et al., 2007).

L’ajout d’étirements dans la phase d’échauffement avant l’exercice principal permet d’annuler les effets négatifs des étirements sur la performance musculaire.

En d’autres termes, lorsque les étirements sont intégrés de manière appropriée dans la préparation physique, notamment chez des athlètes de haut niveau, les impacts négatifs sur la performance musculaire sont atténués ou éliminés. Cela souligne l’importance de la manière dont les étirements sont incorporés dans la routine d’échauffement pour minimiser tout impact défavorable sur la performance ultérieure (Tsolakis et al., 2010).

Enfin, des travaux de synthèse soulignent la nécessité de clarifier les conclusions hâtives et les réserves à prendre en compte dans les publications sur ce sujet complexe (Chaabène et al., 2019).

Bibliographie

Ayala, F., & De Baranda, P. S. (2010). Effect of 3 different active stretch durations on hip flexion range of motion. The Journal of Strength and Conditioning Research, 24(2), 430–436. https://doi.org/10.1519/jsc.0b013e3181c0674f

Cabido, C. E. T., Bergamini, J. C., De Andrade, A. G. P., Lima, F. V., Menzel, H., & Chagas, M. H. (2014). Acute effect of constant torque and angle stretching on range of motion, muscle passive properties, and stretch discomfort perception. The Journal of Strength and Conditioning Research, 28(4), 1050–1057. https://doi.org/10.1519/jsc.0000000000000241

Chaabène, H., Behm, D. G., Negra, Y., & Granacher, U. (2019). Acute effects of static stretching on muscle strength and power : An attempt to clarify previous caveats. Frontiers in Physiology, 10. https://doi.org/10.3389/fphys.2019.01468

  Cipriani, D., Terry, M. E., Haines, M., Tabibnia, A. P., & Lyssanova, O. (2012). Effect of stretch frequency and sex on the rate of gain and rate of loss in muscle flexibility during a Hamstring-Stretching program. The Journal of Strength and Conditioning Research, 26(8), 2119–2129. https://doi.org/10.1519/jsc.0b013e31823b862a

Herda TJ, Costa PB, Walter AA, Ryan ED, Cramer JT. L’évolution temporelle des effets de l’étirement à angle constant et du couple constant sur l’unité muscle-tendon. Scand J Med Sci Sports 24: 62-67, 2014.

Holt JH, L. E. Pelham, T. W. (1996). Flexibility redefined, in: Biomechanics in Sports, T Bauer, ed. Thunder Bay, Ontario: Lakehead University, pp 170–174.

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Palmer, T. B., Pineda, J. G., Cruz, M. R., & Agu-Udemba, C. C. (2019). Duration-Dependent effects of passive static stretching on musculotendinous stiffness and maximal and rapid torque and surface electromyography characteristics of the hamstrings. The Journal of Strength and Conditioning Research, 33(3), 717–726. https://doi.org/10.1519/jsc.0000000000003031

Rancour, J., Holmes, C., & Cipriani, D. (2009). The effects of intermittent stretching following a 4-Week static stretching protocol: a randomized trial. The Journal of Strength and Conditioning Research, 23(8), 2217–2222. https://doi.org/10.1519/jsc.0b013e3181b869c7

Reiss, D., & Prévost, P. (2021). La nouvelle bible de la préparation physique. Amphora.

Takeuchi, K., & Nakamura, M. (2020). Influence of high intensity 20-Second static stretching on the flexibility and strength of hamstrings. Journal of Sports Science and Medicine, 19(2), 429–435. https://www.jssm.org/hfpdf.php?volume=19&issue=2&page=429 

Tsolakis, C., Douvis, A., Tsigganos, G., Zacharogiannis, E., & Smirniotou, A. (2010). Acute effects of stretching on flexibility, power and sport specific performance in fencers. Journal of Human Kinetics, 26(2010), 105‑114. https://doi.org/10.2478/v10078-010-0054-x

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